Essai Nissan Leaf

Essai Nissan Leaf

Par Jean-Michel Lainé le .

Le premier essai de la Nissan Leaf confirme tout ce qu'on attendait d'une voiture électrique : du silence et de la souplesse

Le premier essai de la Nissan Leaf (la production de la Leaf a démarré en novembre), confirme tout ce qu'on attendait d'une voiture électrique : un silence et une souplesse de fonctionnement appréciables mais aussi l'angoisse perpétuelle de la panne sèche. Tant que les bornes de charge rapide et les stations d'échange de batteries se feront aussi rares que les hot spots en rase campagne, la Leaf traînera un fil à la patte. Si elle n'arrivera sur nos routes européennes que début 2011, les commandes de la Leaf sont ouvertes depuis cet été. En attendant de la voir en concession, voici l'essai !

Parti de grand matin pour Lisbonne, j'apprécie les sensations reposantes que distillent la Nissan Leaf. Comme tout modèle électrique, la japonaise sait mener ses occupants avec délicatesse. Idéal dans la circulation urbaine. Sur route, la Leaf ne perd pas ses bonnes manières : son confort acoustique fait merveille. Le moindre détail a été soigné en vue de réduire les bruits aérodynamiques. Voilà l'explication de la forme étrange de l'antenne et de ces phares proéminents mordant loin sur les ailes, en vue de canaliser les turbulences. Sans cela, les divers bruits habituellement couverts par le moteur auraient perturbé la quiétude de l'habitacle.

La vivacité en ville réjouit le conducteur : le couple immédiat de 280 Nm lui permet de s'arracher avec vivacité au feu vert. Les reprises de 80 à 120 km/h apparaissent moins brillantes. La masse élevée de la Leaf (1.525 kg) semble en être la principale cause. Une impression que confirme la fiche technique : le temps annoncé de 11,9 s pour accélérer de 0 à 100 km/h n'a rien d'étourdissant. Il est simplement comparable à celui d'une Renault Mégane Diesel de même puissance (110 ch).

La Leaf reprend des couleurs sur autoroute. Son rapport de transmission unique tire beaucoup moins long que la cinquième ou même que la quatrième vitesse d'une compacte Diesel conventionnelle. La Leaf n'a ainsi aucun mal à atteindre sa vitesse de pointe électroniquement limitée à 140 km/h. En théorie ! En pratique, nous avons réussi à accrocher sans peine un 158 km/h compteur sur le plat. De quoi négocier les dépassements et affronter les côtes les plus rudes. Qu'on se le dise, l'automobile électrique ne se cantonne plus aux terrains de golf.

Le comportement routier recèle assez peu de surprises. S'agissant d'un compromis destiné à satisfaire l'ensemble des marchés mondiaux, l'amortissement présente un typage orienté vers le confort. Cette philosophie colle plutôt bien à la conduite douce de la Leaf. Le centre de gravité abaissé grâce à la disposition des batteries dans le plancher lui confère un comportement routier neutre et sécurisant. Toutefois, la suspension arrière aurait mérité un peu plus de fermeté. Sur les raccords des nombreux ponts de Lisbonne, notre Leaf se dandinait allègrement de l'arrière train. Un peu incommodant.

Autonomie vérifiée

Au-delà des sensations de conduite, c'est bien entendu sur la question de l'autonomie que la Leaf est attendue au tournant. Le chiffre officiel avancé sur la fiche technique est de 160 km. Nissan a toutefois mis les choses au clair avant la remise des clés. Ceci n'est qu'un chiffre théorique, correspondant au cycle de consommation normalisé. L'autonomie réelle varierait entre 76 km sur autoroute avec la climatisation en continu, et 220 km en conduite coulée sur route secondaire, sans climatisation. En ville, la Leaf serait capable de parcourir 170 km, valeur qui tombe à 113 km/h si on y ajoute des portions de voies rapides interurbaines. A l'issue de notre essai, ces valeurs nous semblent plausibles. Nous n'avons rien fait pour ménager la batterie : (accélérations vigoureuses, portion d'autoroute, relief accidenté... ) de sorte qu'à l'issue d'un parcours d'environ 65 km, la jauge affichait une autonomie restante d'environ 20 km.

Quatre-vingt-cinq kilomètres sans ménager sa monture, voilà n'a rien de ridicule mais qui n'affranchit pas pour autant le conducteur de la crainte de la panne sèche. Nissan le reconnaît bien volontiers et mise sur le déploiement d'un réseau de bornes de charge rapide et de stations d'échange minute de batterie. Une charge rapide prend 30 minutes alors qu'une charge standard exige huit heures.

Un attrait qui dépend de l'infrastructure

Rouler en électrique sera plus ou moins pertinent selon les contrées. Tout dépendra des volontés politiques de chaque pays. Au Japon, celle-ci se double d'un effort de la part de Nissan. Au sein de son réseau, le constructeur compte ainsi sur 2.000 bornes standard et 200 bornes de charge rapide. A côté de cela, le Ministère de l'Economie, du Commerce et de l'Industrie japonais compte installer 5.000 bornes de recharge rapide et 2.000.000 de bornes standard. La présence de Better Place en Israël et au Danemark avec un réseau de bornes de recharge rapide et de station d'échange de batteries devrait également renforcer l'attractivité de la Leaf (et de sa cousine Renault Fluence Z.E.) sur ces marchés. Enfin, si Nissan a choisi de nous présenter la Leaf à Lisbonne, ce n'est pas par hasard. Le gouvernement portugais a d'ores et déjà installé un réseau assez dense de bornes de recharge. Le problème de l'autonomie limitée des voitures électriques est donc à relativiser selon les pays.

Encore plus que les stations d'échange, solution rapide pour le client mais coûteuse à mettre en place et réclamant une standardisation des batteries encore loin d'être acquise, l'Alliance Renault-Nissan mise sur la charge rapide. Le procédé soulève la question de la longévité des batteries. Christian Costaganna, Responsable Produit Véhicule Electrique, tempère cette crainte : Le risque de détérioration d'une batterie est directement lié à des montées en température interne. Une charge rapide élève certes la température de la batterie. Toutefois, la température extérieure a également une influence. Une recharge rapide dans un pays nordique sera par exemple moins risquée qu'en région méridionale. Quoi qu'il en soit, le risque doit être relativisé. Un coup de chaud de la batterie lui retire au pire 2 % de capacité.

Quelle que soit la fréquence du recours à la charge rapide, le propriétaire de Nissan Leaf pourra toujours compter sur une garatie de cinq ans période au terme de laquelle celles-ci devraient conserver 80 % de leur capacité. Et nous prévoyons encore 70 % de capacité au bout de dix ans. nous rassure Christian Costaganna.

Plus ou moins écologique selon les pays

Nous l'avons vu, tous les pays ne sont pas égaux sur le plan des infrastructures de recharge. Un autre point variable selon les marchés, et peut-être le principal, concerne le bilan CO2 de la voiture électrique. Une Leaf française chargée avec de l'électricité d'origine nucléaire affichera un bien meilleur bilan qu'une Leaf chargée avec de l'électricité d'origine fossile. Ainsi, les émissions de CO2 d'une Leaf allemande "nourrie au charbon" seront comparables à celle d'une bonne compacte Diesel. Et ce malgré une chaîne d'alimentation moins directe (transformation combustible/électricité, suivie d'une transformation électricité/énergie mécanique au lieu d'une simple transformation combustible/énergie mécanique). C'est donc bien le rendement du moteur électrique (de 90 % contre 20 % pour un moteur thermique) qui sauve le bilan global. Concrètement, une Leaf française alimentée à l'électricité nucléaire n'émettrait que 12 g/km de CO2 du puits à la roue. Valeur qui tomberait à 1 g/km dans les pays nordiques où les énergies renouvelables sont prépondérantes.

Sans doute en raison de ces disparités d'usage, tous les pays d'Europe ne sont pas logés à la même enseigne en ce qui concerne la commercialisation de la Leaf. Le Portugal, l'Irlande et les Pays-Bas seront prioritaires : les premières Leaf y seront livrées dès décembre 2010. Les acheteurs français devront eux patienter jusqu'à l'été 2011. Plus surprenant, Nissan annonce vouloir sélectionner sa clientèle. Malo Le Masson, Responsable Régional Produit Véhicule Electrique nous en dit plus : "Nous ne voulons pas que la Leaf soit achetée impulsivement par des technophiles. Aussi, les vendeurs seront formés spécifiquement et auront pour mission d'expliquer en détail les contraintes qu'un tel véhicule impose. Si l'acheteur ne semble pas prêt, charge à eux de les rediriger vers un autre modèle de la gamme Nissan." Dans le même esprit, tous les distributeurs Nissan ne vendront pas la Leaf.

La mobilité électrique présente des contraintes. Surtout en France, où les équipements en recharge rapide se font encore bien rares. Aussi le staff Nissan a jugé bon de nous détailler lors de la conférence de presse les divers usages auxquels la Leaf pourra se plier. Le modèle se veut polyvalent. Mais dans la liste, le trajet domicile bureau arrive en tête. Et pour cause : l'éternel problème de l'autonomie limite les grandes escapades. Malo Le Masson le justifie de la sorte : L'immense majorité des conducteurs parcourt bien moins de 160 km quotidiennement. Pour cette raison, la Leaf est parfaitement adaptée à un usage courant.

Un peu encombrante

L'argument est recevable et correspond tout à fait à l'emploi qu'on ferait d'une citadine ou d'une deuxième voiture. Dès lors, pourquoi nous sortir une berline familiale longue de 4,45 m ? François Bancon, Responsable Stratégie Mondiale Produit, prend le relais : Il est vrai que le marché français est toujours chatouilleux en ce qui concerne la longueur des voitures. Mais il faut bien considérer que la Leaf est un modèle global, qui doit trouver sa place sur de nombreux marchés. Et si on regarde au niveau mondial, c'est le segment C (celui de familiales compactes, NDLR) qui se trouve au coeur des ventes. Alors certes, le gabarit de la Leaf limitera sans doute sa diffusion en France. Mais ce n'est pas non plus le marché prioritaire. En plus, la Leaf n'est que la première d'un ensemble de modèles 100 % électriques qui couvriront tous types de besoins. La Leaf se devait d'être une vraie voiture polyvalente, pour crédibiliser la solution électrique. Nous tenions à ce qu'elle offre toutes les prestations d'une familiale compacte haut de gamme, y compris en termes d'équipement et de finition.

A l'examen de la voiture, l'assertion ne semble pas totalement fondée. Concernant la polyvalence, d'une part. Certes, le long empattement et la ligne de toit relativement haute dégagent un espace intérieur généreux pour cinq personnes de taille moyenne ou quatre de grande taille. L'ouverture du hayon suscite moins d'enthousiasme. Le volume du coffre est en effet quelconque (330 litres). Surtout, la zone de chargement est encombrée par une traverse volumineuse, qui limite clairement la modularité. A l'heure où les constructeurs cherchent à tout prix à obtenir des planchers plats, la marche d'escalier qui apparaît lorsque la banquette est rabattue semble bien incongrue et peu pratique.

Nissan annonce un tarif aux environs de 30.000 € aides gouvernementales de 5.000 € déduites. On comprend dès lors la volonté du constructeur de la positionner comme un modèle haut de gamme. Ce prix de vente place la Leaf, dont le moteur développe 109 ch, en concurrence frontale avec des modèles à l'image de marque bien installée, comme l'Audi A3 Sportback 1.6 TDI 105 ch Ambition S-Tronic (30.240 €) ou la Mercedes-Benz B180 CDI Autotronic Classic (30.400 €).

Face à ces compactes premium, la Leaf peut opposer une image écolo et un design en rapport. Le succès limité de la Honda Civic IMA, ressemblant fort à une berline classique, par rapport à la Toyota Prius, plus décalée esthétiquement, rappelle que les acheteurs de ce type d'automobile (du moins les pionniers, ou les "prescripteurs de tendances" comment les appellent les gens du marketing) aiment afficher la singularité et la propreté de leur moyen de déplacement. Aux yeux des acheteurs, cela vaut bien le déficit d'image du blason Nissan.

Bilan essai Nissan Leaf
Bilan essai Nissan Leaf

Bilan essai Nissan Leaf

Ceux qui veulent rouler écologique peuvent tout à fait croiser une concession Toyota sur leur chemin. L'Auris HSD hybride, très bien équipée en version Lounge, s'affiche à 27.300 €. La différence avec la Leaf commence à être significative. L'alternative se tient d'autant plus que la crainte de la "panne sèche" n'a pas lieu d'être au volant de la Toyota. Enfin, si on compare avec un compacte traditionnelle à moteur Diesel et boîte automatique, on peut trouver une Renault Mégane dCi 110 EDC Privilège à 26.150 €. Avec un "plein" coûtant entre 1 et 2 €, cela donne un seuil de rentabilité d'environ 30.000 km. Un kilométrage qui ne semble pas irréalisable mais il faut tout de même garder à l'esprit l'autonomie de 160 km, qui limitera forcément le kilométrage annuel possible. L'arrivée de l'Opel Ampera, estimée à 25.000 € et capable de rouler en mode tout électrique risque également de changer la donne.

Economiquement, l'équation peut se justifier. Cela dit, les 30.000 € demandés à l'achat et le positionnement haut de gamme voulu par Nissan font difficilement passer les quelques mesquineries intérieures. Les matériaux durs n'ont rien de flatteur, loin d'être en rapport avec la cible premium visée. D'autre part, l'absence de sièges électriques chauffants, le volant non réglable en profondeur et le lève vitre à impulsion égoïstement réservé au conducteur choquent à ce niveau de prix. La Leaf se montre par ailleurs généreuse en offrant la caméra de recul, le GPS, l'accès et démarrage sans clé ainsi que la climatisation automatique bizone.

Plus qu'une question de tarif, de style ou d'équipement, le succès de la Leaf repose sur un paramètre qui ne dépend ni de Nissan ni du public. Il s'agit bien entendu de l'infrastructure, directement liée à des décisions politiques. C'est bien cet élément qui ancrera la solution électrique sur les marchés. Le succès de l'éthanol au Brésil et en Suède, carburant fortement soutenu par les gouvernements, en est la preuve.

Essai réalisé par Nicolas Meunier - lequotidienauto.com

On aime bien

  • Facilité de conduite
  • Confort et silence
  • Habitabilité généreuse
  • Comportement routier

On aime moins

  • Gabarit conséquent
  • Coffre peu pratique
  • Autonomie juste
  • Amortissement perfectible
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Photos essai Nissan Leaf

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